Prélude à une rencontre

Il y a des rencontres qui sont des chocs, des instantanés, des coups de foudre même. Et puis, il y a celles dont on attendait rien, dont on se rappelle à peine mais qui petit à petit mûrissent et font leur chemin en nous. Un léger parfum laissé l’air de rien, un son, un bout de mémoire qui se souvient obstinément et nous pousse à aller plus loin.

Je devais avoir 14 ans, cet âge merveilleux où l’on se sent en général à peu près aussi à l’aise qu’un dromadaire égaré dans un igloo. Un âge où désireux d’apprendre la musique, j’eus le courage de retourner au conservatoire, m’asseoir sur les bancs usés des cours de solfège, appelés aujourd’hui formation musicale, parce que ça fait moins peur et aussi (même surtout) parce que l’on y enseigne les choses un peu différemment.

Bref, me voilà donc un mercredi comme un autre, assis sur mon banc, face à moi une partition dont je me dis qu’elle va me vouloir du mal ou tout du moins me causer énormément de sueur à sa lecture : « Prélude à l’après midi d’un faune ». Première remarque ignorante, je me dis qu’il doit y avoir une faute de frappe, fauve et pas faune, sinon ça ne veut rien dire. Je n’ai pas la présence d’esprit de supposer qu’il puisse s’agir d’un mot que je ne connais pas.

Le lecteur CD mis en route par l’enseignant projette les premières notes dans la pièce. Ce thème chromatique (rien à voir avec les couleurs) à la flute, puis les entrées progressives de l’orchestre. J’écoute. À la fin de la pièce, j’ai dû dire que c’était nul, histoire de donner le change mais il était déjà évident qu’il s’était passé autre chose. Je ne suis pas devenu Debussien comme ça, du jour au lendemain. Il y a eu un temps de maturation, de compréhension. Aujourd’hui, je n’ai plus peur devant une partition et souvent j’ai beaucoup de mal à écouter de la musique. Écouter pour écouter, simplement. Déformation professionnelle sans doute. Ce prélude reste une des pièces que j’écoute avec plaisir.

Il doit y avoir un côté Madeleine de Proust, première porte d’entrée vers un nouveau monde, prélude à une rencontre, celle de la musique du XX siècle, que je prolongerai quelques années plus tard avec Stravinsky et son histoire du soldat, autre pièce marquante de mes études musicales.

Texte de circonstance évidemment, pour ceux qui ne le savent pas nous fêtons le centenaire de la mort de Debussy cette année, comme les 40 ans de celle de Claude François mais la rencontre n’a par contre jamais eu lieu.

Nathanaël

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