Compositeurs et réalisateurs

On sait que l’alchimie musique et image est une donnée particulièrement sensible dans un film et peut être un des facteurs de réussite ou d’échec. Pour diverses raisons et aussi par talent pur, certains réalisateurs ont choisi de gérer eux mêmes l’ensemble de la problématique en étant leur propre compositeur. Evidemment cela nécessite un minimum de talent musical et d’oreille mais pas spécifiquement de savoir écrire ou lire la musique suivant le style vers lequel on se tourne.

Mais être soi même compositeur de la musique de ses films, c’est aussi se priver d’un apport artistique extérieur, d’une autre vision parfois salutaire et d’un partenariat riche des complexités humaines. Parmi les réalisateurs qui ont cette double casquette les raisons vont de l’aspect pratique, au contrôle artistique absolu, au plaisir simple jusqu’à la nécessité impérieuse au regard d’un univers personnel et complexe.

Pas de liste exhaustive ici, mais quelques exemples et quelques histoires à raconter, à méditer.

Le premier chronologiquement, je pense est Charlie Chaplin. Musicien amateur averti, multi instrumentiste, il avait jeune l’ambition de devenir concertiste ou s’il n’y parvenait pas d’utiliser la musique au théâtre et dans la comédie. Il explique très bien sa vision du rôle de la musique dans ses films :

« Une musique élégante donnait à mes comédies une dimension émotionnelle. Les arrangeurs de musique l’ont rarement compris. Ils voulaient que la musique soit drôle. Je leur expliquais alors que je ne voulais pas de concurrence et que, pour moi, la musique devait être un contrepoint de gravité et de charme, pour exprimer des sentiments (…). » (Chaplin, in  » Histoire de ma vie « , Laffont, 2002)

C’est finalement ce talent de compositeur qui sera récompensé par le seul Oscar reçu par Chaplin en 1973 pour la musique de « Limelight », relevant la justesse de cette musique en contrepoint de l’action.

Si Chaplin se destinait à la musique dès le départ et l’a intégrée dès que possible dans son œuvre, John Carpenter, réalisateur qui a donné à découvrir le film d’horreur au plus grand nombre, est venu à la musique par nécessité :

« Je commençais le cinéma et, quand on réalise des films à petit budget, on ne peut se payer ni compositeur ni orchestre. J’ai donc découvert, grâce aux synthétiseurs, une façon de produire un maximum d’effets avec un minimum de moyens. La musique occupe une place centrale, mais la réalisation a toujours été plus importante à mes yeux. Je n’ai composé des BO que par nécessité économique, puis j’ai continué sans même y penser. »

Cette nécessité a sans doute permis de dévoiler un talent chez Carpenter. Loin d’être de simples assemblages plus ou moins heureux de sons synthétiques, il crée des ambiances fortes et utilise même des structures musicales complexes, telles les mesures irrégulières. Le résultat est d’une alchimie, d’une osmose parfaite entre le son et l’image. Carpenter parvient à transcender son œuvre cinématographique avec ses musiques. Il serait sans doute incapable de composer pour d’autre et il a fallu attendre ses dernières années alors qu’il va sur ses 80 ans pour qu’il se consacre pleinement à la musique et sorte deux albums de compositions originales, de la musique pour la musique. Amusant de voir que la musique par nécessité est devenue la musique pour métier et point d’encrage central puisqu’il ne réalise plus mais fait des tournées de concerts. (à suivre)

Nathanaël

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