99% de transpiration, 1% d’inspiration
Frais et dispo (cf. le temp-track), je décide de faire mien cet adage (attribué selon plusieurs sources à Thomas Edison). Bref, je repars de la base : l’image. Que veut elle me dire, quel est son rythme ?
Je vais me faire une sorte de script musical. Analyser le film, repérer les séquences, sentir les points d’inflexion. Je prépare un plan d’attaque. Je décide de mes points d’entrée et de sortie, je crée des notes d’intention. Que doit exprimer ma musique ?
Je choisis de souligner l’image, de prendre le contre pied, d’indiquer un élément supplémentaire par le choix de mes notes. De prime abord ça peut paraître pas très marrant comme activité. Mais en fait, une fois le premier découpage passé et sans avoir écrit une seule note, je m’amuse.
Je sais que je vais jouer avec le spectateur ! C’est un plaisir. Je fais monter la tension sur des séquences anodines, je laisse le spectateur se détendre pour mieux le surprendre au moment crucial. Je joue avec les effets de répétitions, les conventions. Il y a un nombre de codes tacites incalculables dans la musique de film.
J’ai tout d’un coup un pouvoir entre les mains. Je peux faire peur avec une séquence banale ou je peux ridiculiser une séquence dramatique. Bon évidemment, là, il ne s’agit pas de massacrer le travail du réalisateur … (sinon je n’aurai bientôt plus de travail !)
Midi : J’ai fini mon découpage, j’ai noté mes intentions, je vais écrire la musique. Ça ne vient pas tout seul mais c’est plus facile. Je sais où je vais, ce que je veux souligner.
Une petite pause pour se restaurer et c’est reparti.
J’écris les thèmes et les idées maitresses au piano puis je les cale sur l’image en notant bien les points de synchro. J’ai ma maquette !!!!
C’est très moche à écouter mais je sens que c’est cohérent, que c’est là.
Je vais passer à l’orchestration, un peu la cerise sur le gâteau pour moi.
Je dois avouer que c’est presque la partie que je préfère. Je la trouve ludique. Je me sens comme un enfant avec une palette de sons à disposition. Pour mon film j’ai choisi de la jouer symphonique. Je n’aurai pas d’orchestre sous la main mais je vais me lancer dans la programmation. Je vais utiliser tous les subterfuges à ma disposition pour faire sonner le tout : recherche de samples, loop, combinaisons de sons ou autres plug in en ma possession.
Une chose est sûre, le meilleur moyen que « ça sonne vrai », c’est encore « d’écrire vrai ». C’est à dire faire comme si le tout allait être joué par un vrai ensemble instrumental.
J’avance assez vite, je suis heureux d’imiter les grands, de repiquer leurs principes d’écriture et de les appliquer à ma musique.
Minuit et quelques minutes (une bonne cinquantaine pour être honnête) : l’ensemble est écrit et orchestré. La fin de ma mission : mixer, combiner les sons pour rendre le tout réaliste sera pour demain, il y a une limite dans la capacité de mes oreilles à rester objectives.
Je prendrai finalement deux jours pour mixer et faire quelques retouches. Le réalisateur avait l’air satisfait. Il était surpris par certains passages mais finalement content de mes propositions.
Epilogue :
Merci à vous lectrices et lecteurs d’avoir suivi cette histoire en plusieurs épisodes. J’ai un peu romancé et condensé, dans un temps littéraire dirons-nous, des étapes que j’ai traversées dans ma vie de compositeur. J’aborde aujourd’hui la plupart de mes travaux avec la dernière méthode mais il m’arrive de me laisser tenter par un temp-track ou une séance d’improvisation. Il y a une valeur vers laquelle je reviens toujours, c’est l’aspect ludique et émotionnel ; je reste émerveillé par le pouvoir de la musique, sa capacité à transporter, à créer des espaces ou des situations…. ou parfois, mais ça n’arrive presque jamais, sa capacité à massacrer un film !!!! Quoi qu’il en soit, que la force soit avec vous, jeunes (ou moins jeunes, pas de discrimination) padawans et jedi de la composition.
Nathanaël
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